Cet article est une sorte de condensé de la partie du livre LA TRANSITION qui traite le sujet plus en profondeur. Nous partons donc du postulat qu’un effondrement de notre civilisation sous la forme que nous la connaissons aujourd’hui est inéluctable. Maintenant que le « mot est lâché », il convient de relativiser et de ne pas tomber dans le catastrophisme d’un scénario catastrophe digne des films hollywoodiens. L’effondrement, ou la transition si nous voulons rester plus positif, sera ce que nous en ferons.
Overshoot ou adaptation progressive ?
La transition, certes contrainte par les évènements, ne sera pas obligatoirement aussi brutale que l’on ne pourrait le craindre, et nous avons encore des leviers nous permettant d’agir à notre niveau plutôt que de rester spectateurs.

En effet, des précédents sont là pour nous donner quelques pistes.
Entre les années 700 et 1000, l’histoire nous apprend que le peuple maya s’est effondré. Cette affirmation est cependant partiellement inexacte. Effectivement, les cités mayas se sont effondrées, notamment à cause d’une surexploitation des sols, entrainant leur appauvrissement et par voie de conséquence, une incapacité à nourrir la population. Il s’en est suivi, une chute des systèmes en place :
· L’organisation politique verticalisée.
· La concentration des richesses et les inégalités.
· Les systèmes d’irrigation qui permettait l’agriculture intensive.
Cependant, si les cités se sont effondrées, ce n’est pas la civilisation maya dans sa totalité qui s’est effondrée. Bien sûr, il y a eu une forte baisse de la population, mais le peuple a réinvesti la nature alentours avec de petites structures, et moins de natalité. De plus, ce retour à l’équilibre s’est fait sur environ 300 ans.
Dans notre cas actuel, nous sommes cependant en situation d’overshoot. C’est-à-dire que notre système à une certaine inertie, et que lorsque le phénomène générateur de changement apparaît, nous continuons encore sur notre lancée, ce qui retarde la réponse et la rend plus brutale.
Or, nous avons vu que la déplétion des hydrocarbures (donc de 80% de notre source de richesses) s’est amorcée en 2006. Nous pouvons donc bien parler d’overshoot.
Il est donc possible que notre transition soit relativement brutale, sans compter quelques éléments naturels (de type sanitaire par exemple) qui pourraient accélérer la tendance.
Mais nous avons encore un certain nombre d’actions possibles pour réduire l’overshoot et essayer d’adoucir la transition. Il nous faut juste agir aujourd’hui plus vite et plus fort que ce que nous aurions dû faire il y a quelques années.
Quels seront les fondamentaux de notre nouveau paradigme ?
Il semble important, suite à l’analyse de la situation, d’imaginer quels seront les fondamentaux qui pourraient construire notre nouveau paradigme, afin qu’il soit durable et générateur d’équilibre entre l’espèce humaine et sa planète d’accueil.
Nous devons donc baser notre chaine de valeur sur l’individu et sa capacité à mobiliser son énergie propre pour son bien (assurer sa survie) et le bien durable de la communauté.
La conscience que chacun à un rôle à jouer (ou plusieurs) dans une communauté, est de nature à limiter l’exclusion, mais cela ne doit pas occulter la nécessité pour chacun de progresser autant pour son bien propre que pour celui de la communauté.
Les ressources étant limités, tout doit être fait en conscience, et en corrélation avec l’utilisation des ressources. Nous voyons dans une scène du film Avatar de James Cameron, une chasseuse remercier la proie qu’elle vient de tuer. C’est cela, agir en conscience. C’est accepter que l’on doive prélever une ressource pour notre survie, mais refuser de la prélever pour une simple question de confort ou de pouvoir.
En résumé, notre nouveau paradigme conduit à :
· Comprendre et intégrer les règles de la nature (les enseigner à l’école par exemple).
· Comprendre et intégrer la notion d’énergie limitée et accepter que chacune de nos actions à un impact sur notre planète et donc la survie de notre descendance.
· Rechercher l’équilibre entre l’humain et sa planète, et entre les humains entre eux ; et être ardent défenseur de cet équilibre.
Si nous semblons voir vers où il est nécessaire d’aller pour la survie de notre civilisation, le chemin pour y arriver semble assez sinueux et parsemé d’embuches. De plus, il semble qu’il n’y ait pas de réponse globale. Chacun va donc devoir aller chercher au fond de lui ce qui permettra d’assurer sa survie, et de changer vers son nouveau mode de fonctionnement.
Comment assure-t-on la transition ?
Une fois que nous avons compris d’où nous venons et que nous pensons savoir où nous allons, la dernière question est : quel chemin devons-nous emprunter ?
Nous allons donc sortir de la société de consommation qui a progressivement dérivé vers une société de services dans laquelle la production de richesse est devenue éphémère et externalisée. Seul l’échange (ou le commerce) des produits issus des industries des pays low-cost, nous permettent de générer nos propres richesses. Nous avons repoussé le problème de la surconsommation des ressources dans des pays en croissance. C’est donc pour nous plus facile de parler de réduction de la consommation des hydrocarbures quand l’industrie qui en est le gros consommateur ne réside plus chez nous. Cependant, il faut encore une fois raisonner à l’échelle de la planète et ne pas se comporter en « NIMBY ».
En effet, si nous savons faire évoluer notre modèle local, nous restons totalement dépendants des pays industriels. Et si nous avons à faire à une réduction forcée de la consommation d’énergie, nous assisterons à une contraction des économies, donc nous n’aurons plus accès aussi facilement aux produits industriels.
Il est donc primordial de privilégier deux choses essentielles :
· L’approvisionnement en circuits courts.
· Le développement de l’artisanat, tout en y incluant les nouvelles technologies à notre disposition.

Nous voyons d’ores et déjà un retour aux circuits courts qui s’amorce au dépend de la grande distribution. En effet, la grande distribution ne produit rien. Ses richesses ne proviennent donc que du commerce qui est fait sur des productions d’autrui, et sur l’acheminement qui en est fait. Non seulement dans le choix du circuit court, nous nous rapprochons du producteur, mais nous diminuons la consommation d’énergie nécessaire à l’acheminement, et nous diminuons les pertes liées au financement d’un tiers qui assure la mise en relation. C’est donc un modèle totalement vertueux et donc plus durable. Cela nous amène aussi à une interrogation sur le devenir des villes, qui sont aujourd’hui totalement liées aux circuits d’approvisionnement.
Le deuxième point est finalement l’assurance du premier, puisque c’est en développant l’artisanat, ou une agriculture de proximité diversifiée, que nous allons pouvoir faire fonctionner durablement nos circuits courts. Nous allons donc constater une revalorisation des métiers qui produisent. Nous avons assisté au cours du siècle dernier à une dévalorisation progressive des métiers manuels, au profit des métiers du commerce ou de l’administration (qui est une autre forme de commerce). Ceci était possible grâce à une consommation effrénée des ressources. Le retour à la limitation des ressources va donc conduire à une dépréciation des métiers du tertiaire en faveur des métiers qui produisent.
Une variante des métiers qui produisent sont les métiers qui réparent. Nous allons de plus en plus parler de durabilité. Or, notre société passée, basée sur la consommation, n’a pas appris à faire durer les choses. La réparation et le recyclage vont donc arriver au centre des préoccupations.
Si l’industrie existe encore, elle devra s’adapter au souhait de durabilité des produits, et donc adopter des modèles plus raisonnés, oublier l’obsolescence programmée, la politique de marketing visant à provoquer l’envie plutôt que de répondre à un besoin.
Mais alors le monde risque de devenir triste s’il n’y a plus d’envie ?
C’est la question qui vient naturellement aujourd’hui parce que nos envies ont été progressivement (génération après génération) dévoyées pour s’attacher aux choses matérielles. Mais il y a bien d’autres envies, souvent plus saines, et bien d’autres satisfactions à assouvir. Nous voyons ici que notre nouveau paradigme va nous amener jusqu’à redéfinir nos envies, nos joies, nos modes de pensée, nos modes d’échanges…
Si les communautés vont se contracter, Il y aura encore du travail pour nos futurs cerveaux qui devront faire évoluer nos technologies et inventer de nouvelles solutions durables, tout en gardant un pragmatisme salvateur qui leur permettra de rester connectés à la réalité de nos besoins quotidiens. Il est donc également tout à fait compréhensible que les individus aient plusieurs métiers durant leur vie ou en même temps. C’est un peu comme nos petites communautés de chasseurs cueilleurs d’il y a 300 000 ans, le fait de vivre en communautés plus réduites, cela implique que chacun exerce plusieurs tâches, voire qu’il y ait un roulement entre ces tâches. Nous serons donc autant chercheurs de nouvelles solutions pour la communauté, qu’ouvrier, maçon, paysan, professeur, ou agent de sécurité. Le principe est que pour que la communauté survive, il faut que l’ensemble des tâches soient remplies, quel que soit le modèle de société choisi.
Vous remarquerez que je n’aborde pas ici le sujet du survivaliste individuel ou à l’échelle d’une famille. En effet, mon sentiment est que si ce modèle peut permettre une transition, il reste à priori peu durable et peu résiliant aux évolutions de civilisation. Car si nous comprenons que les échanges ne sont plus nécessairement monétaires, il n’en demeure pas moins qu’ils sont primordiaux à la stabilité et aux équilibres de nos communautés.
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