Eric Magré
Demain, le commerce…
Nous le voyons avec ce « petit » soubresaut de notre économie lié à un virus inopportun (nous y reviendrons dans un article au sujet de l’évolution de la santé), que toute la chaine du commerce va devoir évoluer dans les prochaines années pour se recentrer sur des circuits courts, tout en restant connectée au niveau mondial. Il faudra substituer à l’économie de marché, un modèle plus « systémique ».

Il est très probable que l’échelle de référence soit celle du village ou du hameau. Plus exactement, notre modèle de société devrait trouver son équilibre dans chacune des communautés que l’on construit. Notre société serait alors un peu à l’image des poupées russes : chaque famille pouvant assurer son équilibre énergétique, l’équilibre alimentaire se retrouverait au niveau d’un groupe de famille ou un hameau, la sécurité au niveau d’un éco-lieu un peu plus structuré, la construction autour d’un groupement d’éco-lieux, la politique à un niveau encore supérieur. L’industrie (plus réduite et décarbonée autant que faire se peut) se placerait autour de communautés plus grosses, mais avec toujours le même principe.

Cela pourrait être une vision moyenâgeuse, ou de type western, et d’ailleurs ça pourrait fonctionner comme cela si nous raisonnions juste en pensant qu’un effondrement de notre société actuelle conduirait à un retour en arrière, avec des corbeaux en guise de messagerie par exemple…
Mais nous avons inventé de nombreuses choses qui peuvent demeurer utiles (et l’industrie restante devra permettre de les maintenir à leur juste niveau), et parmi celles-là, il y a la communication à l’échelle de la planète. S’il est très probable que nous subissions des perturbations dans tous les réseaux dans les prochaines années (liées aux grèves, soulèvements divers, et effondrement de notre système politique), il semble aussi évident que certains réseaux subsisteront, permettant ainsi de commercer à plus grande échelle, en plus du commerce local qui deviendra la base de notre équilibre, bien entendu.

Ainsi, si on voit revenir le troc au niveau des petites communautés, on pourrait voir se développer des monnaies locales qui permettent de maintenir un équilibre du commerce au niveau de quelques éco-lieux (il en existe déjà de nos jours), et des monnaies plus générales, voire une monnaie unique, pour les échanges internationaux. Bien sûr, les solutions de type Amazon qui consistent à commander de biens en avance de phase pour pouvoir les livrer sous 48 h partout dans le monde, et détruire les invendus parce-que leur stockage coûte plus cher que d’en commander d’autres, seraient évidement condamnés à disparaitre (ou à évoluer dans le sens du bien des collectivités locales, ce qui reste tout de même peu probable), mais il reste tout à fait envisageable que l’on puisse commander des produits industriels utiles au niveau local (des panneaux solaires par exemple), fabriqués dans des zones plus industrielles et acheminées lentement avec des moyens de transport non polluant.
Nous voyons ici que, si le rythme change, les échanges entre communautés et entre individus devraient rester ancrés profondément dans notre civilisation, et les solutions totalement fermées sur l’extérieur semblent avoir des difficultés à s’adapter à notre nouveau paradigme.
Les monnaies

Le titre de cette rubrique est intentionnellement au pluriel, parce que là encore la solution est l’interconnexion entre des systèmes locaux et des systèmes plus globaux. La première des questions à se poser est, comment les monnaies sont créées aujourd’hui et dans quel but.
Aujourd’hui, environ 85% de la monnaie est créée par des banques privées au profits d’actionnaires. Et elles le font de manière très simple, en vous accordant du crédit. Tant que vous les remboursez, elles font du profit. Si vous arrêtez de les rembourser, elles s’effondrent, et si vous arrêtez d’emprunter, elles s’effondrent aussi puisque leur modèle économique est basé sur le profit des actionnaires, lui-même lié au crédit.
Imaginons maintenant un système local qui n’a qu’un seul objectif, faciliter et structurer les échanges locaux. Par exemple, les transports en communs sont payés avec cette monnaie, les commerçants peuvent être payés avec cette monnaie et peuvent payer une partie de leurs impôts locaux avec cette monnaie. La grande différence est qu’il n’y a pas d’actionnaire à la tête de cette monnaie. Elle est donc beaucoup plus intéressante puisque qu’il n’y a pas de pertes liées à la rémunération de personnes qui sont en dehors du système. Etant donné qu’elle n’est utilisable que localement, elle renforce l’économie circulaire et facilite la migration vers une économie locale florissante.
Plusieurs villes, y compris des grandes villes ont développé une monnaie locale. En voici quelques-unes proches de nous, mais elles sont très nombreuses : Bristol en 2012, Liège en 2014, Gand et Mons en 2010, Namur en 2017, Charleroi et Bruxelles en 2019…
En France, on peut citer Nice, Pézenas, Angers, Brest, Nîmes, Annecy, Chambéry, Strasbourg, Pau…
Vous pouvez aller consulter ce lien sur internet, la liste est étonnante : https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_monnaies_locales_complémentaires_en_France
En suisse le WIR a été fondé en 1934. En 1993, la banque WIR comptait près de 54 000 membres utilisateurs, au premier semestre 2012 le chiffre d’affaires de la banque WIR était de plus de 700 millions. Aujourd’hui, en Suisse, une PME sur 5 utilise le WIR. C’est un système totalement non lucratif qui se rémunère grâce à un abonnement modique (32CHF par an) et un prélèvement de 0.6 à 0.8% sur chaque transaction. Nous voyons ici le gros intérêt pour les utilisateurs (vous empruntez à 0.6%) et pour l’économie locale qui se développe en totale autonomie, donc sans risque d’effondrement lié à une crise externe. Nous sommes ici dans un système beaucoup plus résilient.
Voilà qui donne à réfléchir sur nos futurs modes de commerces et d’échanges dans notre société de demain, que l’on souhaite plus résiliente aux changements qui se préparent. Vous pouvez retrouver cet article dans son contexte et comprendre le cheminement qui a amené à ces quelques lignes dans le livre LA TRANSITION.